Le marché wallon de l’immobilier devient frileux : à peine 2,4 % d’augmentation des prix

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Nouvelles d'ERA, Baromètre ERA
ERA Barometer / Baromètre ERA

En 2023, le délai de vente des maisons a été rallongé de 34 %

Le marché wallon de l’immobilier se refroidit progressivement. C’est ce qu’il ressort du Baromètre ERA, une analyse annuelle du marché de l’immobilier menée pour la 19e année consécutive par ERA (en collaboration, depuis 2013, avec l’Universiteit Antwerpen/KU Leuven). Si les prix des maisons ont bel et bien augmenté de 2,4 % par rapport à 2022, la croissance ralentit progressivement et suit peu à peu la tendance observée sur le marché immobilier flamand. Les prix des habitations y ont effectivement diminué de 1,7 %pour la première fois en dix ans.

En collaboration avec ERA, le plus grand groupe immobilier de Belgique, l’Universiteit Antwerpen analyse les marchés immobiliers résidentiels flamands et bruxellois depuis 19 ans. Pour la première fois, ils ont également étudié le marché wallon. Il s’agit d’un indice de prix qui tient compte notamment de la taille, de la finition et de la situation géographique des habitations vendues. Les chiffres reflètent ainsi l’évolution des prix de logements similaires, sans faire l’amalgame de biens immobiliers n’ayant rien en commun.

L'agent immobilier place à vendre sur le poteau de jardin

Des habitations 2,4 % plus chères

Au cours de l’année écoulée, le prix des maisons en Wallonie a augmenté de 2,1 % par rapport à 2022. Contrairement à la Flandre, il n’existe en Wallonie aucune obligation de rénovation faisant baisser les prix. Mais les bonnes nouvelles s’arrêtent là puisque le Baromètre ERA montre que le marché wallon de l’immobilier se refroidit peu à peu et suit la tendance flamande. C’est en 2015 que les prix de l’immobilier ont connu leur première hausse en Wallonie, atteignant des records en 2020 (+ 6,8 %) et 2021 (+ 8 %) pendant la période de coronavirus. En 2022, les prix ont ‘seulement’ grimpé de 5 % entrainant pour la première fois un ralentissement de la croissance. Cette tendance à la baisse s’est confirmée au cours de l’année écoulée.

En quête d’un bien immobilier, les Wallons ne sont pas systématiquement contraints d’inclure un budget rénovation à court terme dans leurs calculs. Ils ont donc plus de marge pour l’achat de leur habitation, et c’est pourquoi les prix augmentent encore. Mais nous constatons quand même aussi une tendance au fléchissement sur le marché immobilier en Wallonie. 

Emmanuel Deboulle

Business Development Manager Bruxelles et Wallonie

Cette frilosité du marché immobilier se traduit aussi dans le délai de vente d’une maison dans la partie francophone du pays. En 2023, les délais ont été incroyablement longs. Il fallait en moyenne 118 jours pour vendre un bien contre 88 jours en 2022 pour une habitation comparable. Les ventes étaient donc 25 % plus rapides en 2022.

L’évolution du délai de vente moyen est souvent prémonitrice de l’évolution future des prix. Un allongement significatif du délai de vente est susceptible de révéler que la tendance à la stabilisation n’est pas encore terminée. 

Sven Damen

Professeur d’économie immobilière et financement à l’Universiteit Antwerpen

Des différences importantes d’un appartement bruxellois à l’autre

Pour la première fois, le Baromètre ERA a analysé l’évolution de l’immobilier à Bruxelles et en Wallonie. Les résultats sont assez surprenants et se démarquent grandement de ceux du marché immobilier flamand. À Bruxelles où quatre fois plus d’appartements que de maisons ont changé de propriétaire au cours des dix dernières années (selon Statbel, réd.), les prix des appartements ont augmenté de 2 % par rapport à 2022. Cette hausse s’inscrit dans la lignée de la moyenne flamande.

Par contre, le prix des appartements bruxellois varie grandement. À cette fin, l'indice des prix hédoniques intègre plus de 60 facteurs qui, ensemble, influencent jusqu'à 85 % de la valeur d'un appartement. Les appartements d’une superficie habitable supérieure de 10 % sont vendus en moyenne 6,3 % plus cher. Pour ce calcul, le Baromètre ERA a pris comme référence un appartement deux chambres. Dans le cas d’un appartement trois chambres, le prix est 4,3 % plus élevé contre 12,7 % pour un appartement 4 chambres. Et si l’appartement est équipé de deux salles de bain, il faut encore rajouter 2,2 % de supplément en 2023.

Pendant la pandémie de coronavirus, les biens avec terrasse et jardin ont gagné en popularité chez les propriétaires d’appartement. Les prix en ont évidemment pâti. Pour un appartement avec terrasse, il faut compter 3,4 % en plus que pour un même bien sans terrasse. Le supplément de prix pour un jardin s’élève même à 10,4 %. Enfin, un appartement à Bruxelles coûte 5 % moins cher si des travaux de rafraichissement sont nécessaires. En cas de rénovation importante, le prix baisse même de 13 %. Par contre, pour un appartement luxueux dans la capitale, le prix est 13 % plus élevé que pour un bien clé en main.

à vendre

Des prix d’habitation en baisse en Flandre

Le marché flamand de l’immobilier fléchit pour la première fois depuis 2014. En comparant le prix moyen d’une maison en 2023 (entre le 1er janvier et le 31 décembre, réd.) au prix moyen d’une maison similaire en 2022 (également entre le 1er janvier et le 31 décembre, réd.), le Baromètre ERA fait ressortir une augmentation de 0,3 %. Cependant, les chiffres de croissance de 2023 montrent une réalité toute différente, mettant en évidence la frilosité du marché immobilier. Depuis le dernier trimestre de 2022, les prix des habitations ont diminué de 1,9 %. Ce fléchissement est également perceptible au niveau du délai de vente moyen. Alors qu’en 2022, les maisons restaient à vendre pendant une durée moyenne de 85 jours, il fallait compter 103 jours (+21 %) pour la vente d’un bien immobilier similaire en 2023.

Si nous nous contentons de regarder les chiffres moyens de croissance du marché résidentiel, la croissance apparait comme nulle. Mais les chiffres du baromètre d’ERA nous offrent une image plus représentative de ce que nous constatons tous les jours sur le marché immobilier : le prix des maisons régresse. Les taux qui ont fortement augmenté en peu de temps et l’obligation de rénovation des maisons énergivores (PEB E ou F) dans les cinq ans ont clairement changé la donne. Il est beaucoup plus difficile d’acheter une maison, l’offre de certains types de maisons dépasse largement la demande et les prix de certains segments du marché diminuent, autant d’éléments qui génèrent une spirale générale négative.

Johan Krijgsman

CEO d'ERA

Alors que le marché résidentiel flamand s’est refroidi au cours de l’année écoulée, le marché des appartements se démarque à nouveau en ne suivant pas l’exemple des habitations. Il ressort du Baromètre ERA que le prix moyen d’un appartement en 2023 est 3,1 % plus élevé qu’en 2022. En analysant simplement l’évolution des prix du dernier trimestriel de 2022 au 31 décembre 2023, on peut voir se dessiner une croissance nette de 1,5 %.

Les taux hypothécaires ont augmenté de plus de 2 % depuis le début de l’année 2022. Bien que de nombreux propriétaires puissent encore bénéficier de faibles taux d’intérêt, la hausse des taux a réduit la capacité d’emprunt des primo-accédants, à laquelle il faut aussi ajouter l’obligation de rénovation. Ces deux éléments exercent également une pression négative sur les prix.

Sven Damen

Professeur d’économie immobilière et financement à l’Universiteit Antwerpen

Un marché résidentiel à trois vitesses en Flandre

Par ailleurs, le baromètre ERA marque clairement l’apparition d’un marché immobilier à trois vitesses de croissance, induit par le certificat de performance énergétique. Le prix des maisons plus économes en énergie, avec un label A ou B, a augmenté de 1,5 % par rapport à 2022. Le prix des habitations avec un PEB C-D a stagné tandis que les habitations énergivores (E et F) ont perdu 1,6 % de leur valeur en 2022. Lorsque nous comparons uniquement le dernier trimestre de 2023 avec ce même trimestre un an plus tôt, nous constatons que les maisons avec un label A ou B de même que celles avec un label C ou D ont été vendues à un prix quelque peu inférieur. Les prix ont reculé respectivement de 1 et 0,6 %. Les maisons énergivores (E et F) ont, quant à elles, perdu énormément de valeur (-3,7 %).

Deux agents immobiliers à un bureau.

Ce marché à trois vitesses est également perceptible dans les négociations de prix. Dans le cas d’un bien en parfait état et bien aménagé, situé dans un quartier agréable, la demande dépasse l’offre. C’est le vendeur qui dirige les négociations, et l’offre doit correspondre ou se rapprocher très fort du prix demandé. Dans le cas d’une habitation à rénover entièrement, assortie d’un piètre score PEB et présentant encore de l’amiante, l’offre dépasse largement la demande. Il y a du coup plus de marge de négociation, et c’est l’acheteur qui dirige les négociations. Seules les habitations ayant un PEB C ou D connaissent un meilleur équilibre entre l’offre et la demande. 

Johan Krijgsman

CEO d'ERA

Un PEB A, 17,1 % plus cher qu’un PEB D en Flandre

Rien d’étonnant : le PEB d’un bien est un paramètre déterminant en plus de sa situation géographique dans l’estimation de son prix. Par conséquent, plus le score PEB s’améliore, plus le prix de vente augmente significativement. Le prix de vente d’un bien labellisé A était 17,1 % plus cher l’année dernière qu’un bien offrant les mêmes caractéristiques et superficies, mais doté d’un PEB D. Un bien similaire ayant un PEB F avait 11,7 % de chance en moins d’être vendu qu’un bien ayant un label D. En 2022, la dépréciation s’élevait à 8,5 %. Pour une habitation vendue avec un label PEB inférieur de 100 points, soit la différence par rapport à la lettre supérieure, l’acheteur payait 3,4 % en plus en 2023. En 2022, cette majoration de prix était de 2,8 %.